Alexandre Chantry : « La première chose à faire : reprendre le contrôle ! »

Alexandre Chantry, de Résistance anticapitaliste : « La première chose à faire, c’est reprendre le contrôle »

Alexandre Chantry est la tête de liste de Résistance anticapitaliste aux élections municipales lilloises.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Suite à nos nombreuses interviews de commerçants, nous nous sommes rendu compte que ceux-ci avaient différentes attentes et différents questionnements pour le prochain Maire de la ville comme sur leur accompagnement, le plan de circulation, l’animation de la ville, …

En attendant les élections qui arrivent à grands pas, nous avons donc synthétisé les demandes des commerçants et nous partirons à la rencontre de :

Voici notre deuxième interview, de Alexandre Chantry, de Résistance anticapitaliste, candidat à la Mairie de Lille.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Vous êtes souvent sur le terrain et vous avez dû croiser bon nombre de commerçants. Quel est votre ressenti (économique / social / sécurité) ?

Ce que je remarque chez les commerçants, c’est que la majorité actuelle a favorisé les grandes surfaces commerciales au détriment du petit commerce. Nous, on est anticapitalistes, ça ne veut pas dire qu’on est contre l’activité économique, bien au contraire. C’est juste qu’on cherche une autre façon de faire. Justement, on veut défendre les petits commerces, les petites boutiques. J’ai l’impression que c’est d’ailleurs ce que fait Dailyn ! Mais nous, ce que l’on ressent, et notamment dans les quartiers où il y a des gros centres commerciaux qui vont s’installer, par exemple à Lille Sud, Wazemmes, Porte des Postes, c’est que les commerçants ont l’impression qu’il y a une concurrence déloyale qui va s’installer pour eux, entre eux et ces grandes surfaces.

Donc nous, c’est clair qu’on vise plutôt une meilleure installation pour les petits commerçants, comme des petites activités économiques vraiment locales. Je pense qu’il y a un gros manque là-dessus au niveau de Lille.

Martine Aubry parle souvent de l’attractivité de la ville. Justement, l’attractivité de la ville, je pense qu’on la gardera si on a des petits commerçants, des trucs vraiment locaux. Les commerces font partie de la ville. Il y a des commerces qui sont là depuis très longtemps comme le Merveilleux et Meert. Ce sont des institutions. Ce sont des enseignes qui sont connues à l’international. Donc nous, on favoriserait plutôt les petits commerces et les petites activités locales.

Au niveau de la sécurité, nous, on a surtout parlé de la vidéosurveillance avec les commerçants. Et la conclusion qu’on en a tiré avec eux, c’est que ce n’était pas suffisant. Qu’il fallait justement régler le problème de sécurité en amont. Parce que la vidéosurveillance, c’est un peu un pansement mis sur une plaie. Nous, on propose, plutôt que de développer la vidéosurveillance, d’augmenter le nombre de médiateurs et médiatrices, des intervenants sociaux qui iront en amont des problèmes pour justement endiguer cette insécurité qu’il y a à Lille. C’est lié de toute façon au taux de chômage. On a un taux de chômage qui est assez grand sur Lille. On a un taux de pauvreté qui est à 25%. Donc on pense qu’il faut d’abord agir là-dessus et que le problème sécuritaire de fait se réglera si justement on retrouve de l’activité dans la ville.

Et pour les commerçants, on propose de développer les patrouilles en ville. Plutôt que d’avoir 120 policiers municipaux qui doivent couvrir tout le territoire, on propose d’intégrer des îlotiers dans les quartiers. On veut vraiment que les quartiers soient gérés par des médiateurs et des médiatrices qui viennent du quartier. À mon sens, il faut recruter ces médiateurs dans les quartiers directement pour qu’il y ait aussi un contact et une confiance. Et de cette manière, concentrer la police municipale plutôt sur les zones à risque.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

On entend beaucoup parler dans la presse ou sur le terrain du nouveau plan de circulation. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Moi, en tant que conducteur, je peux vous dire que ce n’est pas évident. Je pense qu’il y a un peu de démagogie auprès de la mairie qui s’est convertie à l’écologie il y a de ça 3-4 ans, et qui a essayé de repenser la ville. Et c’est bien, il faut repenser la ville de demain ! Mais en même temps, on n’a pas mis en place les moyens à côté pour compenser. Je vais vous donner un exemple personnel : ma copine est infirmière, et elle ne peut pas se déplacer en voiture à Lille aujourd’hui. Au niveau des transports en commun, il y a plein de lignes de bus qui ont été modifiées et au final, il y a plein d’endroits qui ne sont plus desservis. Et un métier comme ça, c’est compté à la minute, c’est-à-dire que le temps de trajet entre deux patients n’est pas compté. Donc ils sont obligés de prendre la voiture.

Et au final, le nouveau plan de circulation, il n’aide pas du tout parce que ça crée des bouchons dans toute la ville. On a des feux rouges de partout qui créent des fois des files à rallonge. Donc clairement, je pense qu’il y a une démagogie de la part de la ville qui est de vouloir chasser les voitures du centre-ville, mais en fait, ils ont fait l’inverse. Et ce n’est pas bon non plus pour l’activité parce que les gens n’osent même plus venir en voiture à Lille !

Sur le principe de piétonniser le centre-ville de Lille, je suis assez d’accord. Ce serait plus sympa et plus joli pour tout le monde ! Mais en soit, tant qu’on aura pas une solution à côté de transports en commun et transports doux pour compenser, ça ne marchera pas ! En fait, il faut faire les choses dans l’ordre.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Que pensez-vous des attentes des commerçants vis-à-vis des élus ?

Pour ce qui est du stationnement, nous proposons de rebasculer sur un système de stationnement qui s’appelle une régie municipale à Lille. Parce qu’aujourd’hui, on a une délégation de service public sur cette question-là. C’est-à-dire que la question du stationnement est déléguée à différentes entreprises privées. En fait, revenir à la régie municipale nous permettrait de justement rendre gratuit le stationnement en général. Parce qu’en fait, quand il y a une délégation de stationnement à une entreprise privée, une partie de nos impôts locaux que les commerçants payent repartent directement dans les dividendes des actionnaires. Donc, en rebasculant vers un système de régie, tous les impôts qui financent aujourd’hui déjà le stationnement vont s’avérer vraiment pour le stationnement. Donc on pourra mettre en place la gratuité.

Après, la gratuité, elle ne sera pas là en 3 minutes, ça prendra plusieurs années à y arriver. Mais on pourrait viser justement à rendre gratuit d’abord pour les personnes qui sont obligées de se garer ici. Je pense aux commerçants, je pense aux infirmiers … J’ai un ami qui travaille rue Nationale. Il paye tous les jours environ 30 euros ! La régie municipale, ça nous permettrait d’avoir un vrai contrôle. Là, aujourd’hui, la mairie, comme on est sur une délégation, ne peut pas agir sur la tarification.

Et c’est pareil pour les déchets. C’est aussi une délégation de service public. Donc, on propose de repasser aussi à la régie municipale. Bref, comme ça, on pourrait croire que ça coûte beaucoup plus cher, mais en fait, ça coûte moins cher à la collectivité ! Alors, la première chose à faire, c’est reprendre le contrôle !

Sur le problème des déchets, c’est vrai que vu les problématiques liées aux rats, aux souris, aux chats… Ça me paraît logique qu’il y ait besoin d’un ramassage quotidien, surtout pour les restaurateurs. Après, c’est clair que mettre un camion de poubelles tous les jours, ça peut être embêtant pour la circulation, par exemple dans le Vieux-Lille. Mais si on avait des points de ramassage aux entrées et aux sorties des rues, ça réglerait déjà un peu le problème. Pour les commerçants, ça leur fera un tout petit trajet pour aller déposer leurs déchets, mais au moins, ils ne stockent pas chez eux. Et puis, pour les personnes qui conduisent les camions de poubelles, c’est quand même plus simple pour ramasser les poubelles si elles sont toutes concentrées en un point.

Que pensez-vous de l’e-commerce ?

L’e-commerce, je pense que c’est quelque chose qui fait mourir petit à petit le commerce. Je vais vous donner un exemple de ma vie personnelle, je travaillais dans une petite boutique de musique à Lille qui s’appelait le Broc’n’roll quand j’étais étudiant. J’adorais y travailler, d’autant plus que je suis musicien. C’était une boutique géniale, dans un ancien garage de voiture ! La boutique existait depuis 25 ans, et en huit mois, elle s’est fait dévorer par la concurrence internet ! C’est une concurrence déloyale parce que quand on est commerçant, on a des frais fixes (comme le loyer…) par rapport aux commerçants en ligne…

Moi je pense en effet que l’e-commerce va à terme détruire complètement les petits commerçants alors que ce sont eux qui font l’activité et l’emploi !

Et puis, ça manque de quelque chose, l’e-commerce. Moi, je suis assez attaché au rapport à l’objet, c’est-à-dire que si j’achète un ordinateur, j’aime bien le toucher, le sentir, le voir avant d’acheter, avoir du conseil… Et je pense qu’il faut redévelopper ça. On dit tout le temps que la société est atomisée, individualiste, etc. Mais si on n’a plus de lieux pour se rencontrer, comme les commerces (ou les endroits associatifs), on va tous finir dans notre coin à acheter depuis son ordinateur, et il n’y aura plus de lien entre les gens.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Vous arrive-t-il, comme un français sur deux, d’acheter sur Amazon ?

Pas du tout ! J’ai une carte bleue exprès pour ne pas acheter sur internet. Je ne consomme que sur place et pas du tout sur internet. J’ai eu cette expérience avec le magasin Broc’n’roll qui a vraiment joué sur ma décision de ne plus acheter sur internet. J’étais juste salariée, mais c’était un peu un rêve d’enfant de travailler là. Ça a donc été vraiment un déchirement pour moi quand ça a fermé. Et c’est au moment où ça a fermé que j’ai vraiment pris conscience du système dans lequel on vivait.

Pour le domaine de la restauration, que pensez-vous de la livraison à domicile (de services comme Uber Eats ou Deliveroo) ?

Moi, je pense surtout aux salariés de ces entreprises-là. C’est risqué comme travail ! Il y a des risques financiers, car ils sont payés à la commission, à la tâche. Il y a des risques d’accident à cause de la circulation. Je pense que clairement, au niveau de l’État, il faudrait prendre des mesures avant même d’agir au niveau local. Pour que ces gens-là aient une couverture, un salaire, un contrat de travail en bonne et due forme. Parce que le jour où ils sont malades, ils peuvent rester chez eux trois semaines, certes, mais ils ne seront pas payés…

Même si, pour les restaurateurs, ça peut être un plus d’avoir un service de livraison, moi je pense surtout aux livreurs. On revient tout doucement à la société du début du vingtième siècle, où les ouvriers étaient payés à la journée, mais là, c’est encore pire, parce que c’est payé à la course !

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Pensez-vous que cela soit utile pour les commerçants de proximité de livrer ?

Je pense que oui. Je pense que s’ils le font, c’est qu’il y a vraiment un intérêt derrière. Mais pour la livraison, je n’ai rien contre, au contraire. Moi je me suis déjà fait livrer des pizzas (comme tout le monde je pense) ! Mais voilà, j’en reviens aux salariés… Quand j’étais étudiant, j’ai aussi été livreur de pizzas chez SpeedRabbit. Mais là j’avais un vrai statut de salarié ! J’étais donc protégé ! Ce qui n’est pas le cas pour les livreurs de certaines applications de livraison…

Avez-vous des conseils à donner aux commerçants pour booster leurs affaires ?

Nous, on avait théorisé l’expérimentation d’une monnaie complémentaire, d’une monnaie locale. Ça se fait par exemple à Bayonne, à Grenoble, à Nantes… Je vais prendre le cas de Bayonne par exemple : la monnaie locale s’appelle l’Eusko. Cette monnaie a été d’abord uniquement adressée aux commerçants et aux restaurateurs. Par exemple, vous êtes restaurateurs et moi vendeur de chaises, vous pouviez m’acheter des chaises directement avec l’Eusko. Et ça vous coûtait moins cher. Donc nous, on aimerait bien expérimenter cette monnaie locale à Lille. Justement, le fait de revenir à une monnaie locale qui serait complémentaire et non en remplacement à l’euro permettrait de créer un circuit interne à la ville. Ça permettrait justement de relocaliser l’économie, de relancer des productions …

Et après, l’autre chose importante pour les commerces, c’est qu’il faut déjà qu’il y ait du monde sur place. Et du coup, l’organisation d’événements. Quand je parle d’événements, je ne parle pas forcément de gros événements type Eldorado qui mettent en avant des artistes qui ne sont pas du tout lillois et qui amènent d’un coup d’un seul un flux énorme de personnes et puis six mois après, il n’y a plus rien. Je pense plutôt qu’il faut développer des événements locaux réguliers. Nous, on prévoit, après les élections (c’est un peu une exclusivité ce que je vous dis là), de créer un festival anticapitaliste. Ce sera un festival de musique, de conférences-débats, de plein de choses… Ça créera du mouvement à Lille tout au long de la semaine et un vrai dynamisme sur le long terme.

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

L’animation des commerces de proximité est primordiale pour booster le passage. Qu’avez-vous prévu sur ce sujet si vous êtes élu ?

Ce que je disais déjà avant, c’est que nous, on propose déjà la gratuité du stationnement et je pense que ça va déjà pas mal jouer. Je pense qu’avant tout, il faut que la ville s’embellisse. Par exemple, nous, on est pour le développement des espaces verts, pour la création de vraies pistes cyclables. Et après, il y a des aménagements assez simples à faire. Je voyais par exemple, dans la ville de Saumur, ils ont mis en place des préaux urbains sur les trottoirs. Ce sont des sortes de structures en verre qui permettent aux riverains de se balader dans la ville sans se prendre la pluie… Et aussi, le développement des transports doux. Donc voilà, ça passe d’abord par des aménagements urbains pour fluidifier le centre-ville. Pour qu’il redevienne un lieu de promenade et plus seulement un lieu de passage.

Comment allez-vous aider les touristes à découvrir les commerces de Lille si vous êtes élu ?

Nous, on a développé l’idée d’une vignette commerce local. L’idée serait de recenser tous les commerces locaux. Et dans les gares et métros, on développera un plan pour découvrir justement les commerces locaux et typiques Lillois. Avec l’accord des commerçants, on créera une sorte de charte qui fera que ceux qui veulent avoir cette vignette devront respecter certaines caractéristiques (des produits locaux, respect des règles sanitaires…). Ça leur permettrait aussi d’avoir de la visibilité par le biais de la ville. 

Alexandre Chantry de Résistance Anticapitaliste, Lille

Quelle est votre boutique favorite à Lille ?

Je vais rester sur le musical : c’est Jericho Musique. C’est encore mon côté musicien qui répond. Un très vieux vendeur qui est là depuis près de 35 ans, je crois. C’est une boutique d’instruments de musique vraiment sympa !

Quel est votre restaurant préféré à Lille ?

Ah, ça c’est dur ! Je vais dire la Fossetta, l’italien à côté de Chez Armand, que j’aime bien aussi d’ailleurs ! J’adore la cuisine italienne, en fait. Une partie de ma famille est italienne alors ceci explique cela. Après, j’aime bien aussi au Vieux de la Vieille. J’aime bien la cuisine un peu traditionnelle

Que pensez-vous de la plateforme Dailyn ?

Je pense que le projet de connecter directement les clients aux commerçants, notamment locaux, ça me parait super intéressant. En tout cas, ce genre de projet, je ne pense pas que ça fasse perdre de l’emploi, je pense que ça en fait même gagner !  

Et moi je trouve que c’est bien, parce que ça permet aussi de faire de la communication et d’avoir de la visibilité pour pas très cher pour ceux qui se lancent. Être sur ce genre de plateforme, ça leur permet de se faire connaître aussi.

Je pense que la mairie devrait vraiment lancer des projets avec des entreprises comme Dailyn justement pour développer les petits commerces. Surtout vis-à-vis des concurrents !

Moi, je trouve ça bien de mettre en avant les petits commerces du coin, les petits restaurateurs… Vous donnez la parole aux commerçants, et ça c’est super ! Il y a très peu de médias qui parlent des commerçants et qui leur tendent le micro…