Les Alchimistes Hauts-de-France : collecter et composter à Lille

Les Alchimistes Hauts-de-France : collecter et composter à Lille

Les Alchimistes proposent une solution de recyclage des déchets alimentaires en compost pour les professionnels et les particuliers.

Les Alchimistes Hauts-de-France : collecter et composter à Lille

C’est dans la Cours St So, sur la Friche de la Gare Saint-Sauveur que nous avons rencontré Foucauld Watine, cofondateur des Alchimistes Hauts-de-France.

Mais que font-ils ici, les Alchimistes ? Ils collectent les déchets alimentaires des professionnels et des particuliers à Lille pour en faire du compost. Les Alchimistes ont été créés à Paris en 2017 et viennent de s’implanter dans la Métropole, en mai 2020.

Foucauld Watine nous en dit plus.

Quel est l’objectif des Alchimistes ?

Les Alchimistes proposent une solution de recyclage des déchets alimentaires en compost. On essaie de créer une boucle qu’il n’y a pas forcément dans des milieux urbains. Car sinon, le déchet alimentaire est incinéré.

Et donc, on continue d’acheter des produits qui viennent de l’extérieur, comme des engrais chimiques, des engrais carbonés, au lieu d’utiliser cette matière que nous avons déjà à porter de main : les déchets alimentaires.

Les Alchimistes Hauts-de-France : collecter et composter à Lille

Comment procédez-vous donc ?

D’abord, on propose un service de collecte séparée, pour que le biodéchet sorte de la poubelle grise et pour qu’on puisse ensuite le valoriser

1re étape : la collecte chez les pros

Nous avons une remorque qu’on attache à notre vélo. Et avec ce petit attelage, nous faisons les collectes des biodéchets des professionnels. On y charge des bio-seaux, qui sont des sortes de poubelles sans sac plastique, que les professionnels remplissent de biodéchets en vrac.

On sort tous les jours pour aller chez les restaurateurs principalement. Nous récupérons les seaux pleins et nous leur donnons des seaux vides en échange. Ce sont des seaux de 35 l et on en met une dizaine sur la remorque, donc on peut y mettre jusqu'à 150 l. On fait plusieurs tournées par jour. Ce petit attelage nous permet de passer dans des petites rues, d’aller chercher des biodéchets dans des caves, parfois difficiles d’accès, etc.

Donc c’est ainsi qu’on procède pour les professionnels. On travaille notamment avec des restaurants, mais aussi des épiceries. Nous avons plus d’une vingtaine de partenaires. On compte le Mother, qui est juste à côté, le Pokawa, le Présentoir, la Fleur de Chefla LuckJuste un p’tit boutBritney, et l’épicerie Biocoop également. Et on continue de chercher de nouveaux clients.

Les Alchimistes Hauts-de-France : collecter et composter à Lille

La collecte chez les particuliers

On collecte également les biodéchets des particuliers, mais le système est un peu différent. Là, ce sont les particuliers qui ramènent leurs biodéchets pour les disposer dans des bornes. On avait une première borne ici, à Saint Sauveur pendant l’été, et puis on en a mis une en ville très récemment, en partenariat avec le Biocoop de la rue du Molinel. Ils sortent la borne devant leur commerce et elle est disponible toute la journée. Il y a un cadenas et les gens viennent vider leur seau dans la borne. Ça permet donc à chacun de faire son tri à la maison.

Et comme ça, on a deux sources de flux ! En termes de tri, on prend toute la matière compostable, donc toute la matière animale, organique, végétale, etc.

2e étape : Jusqu’à la phase de précompostage

Ensuite, on va consolider ici, à Saint Sauveur, et composter sur place.

Lorsqu’on a ramené tous les flux ici, on va les peser (notamment parce qu’on facture nos clients au poids).

Puis on va trier le flux : on va le déverser sur une table de tri et l’opérateur va vérifier qu’il n’y ait pas de pollutions ou de saletés qui se seraient glissées dans le flux, comme une paire de gants, un emballage, un couteau. Et on va broyer le flux pour en faire une bouillie. Ça permet de réduire aussi les gros morceaux, tel qu’un ananas complet, par exemple.

On va mettre tout dans le composteur et on va y rajouter du bois. Le bois permet d’absorber du jus, comme c’est du bois sec. Ça permet également de rajouter du carbone au mélange, parce que s’il y a trop d’azote, le développement bactérien se fait mal, donc ça ramène du carbone pour équilibrer. Et puis, ça permet de texturer et ça va faciliter aussi l’oxygénation du mélange. En fait, on refait ce que la nature fait, lorsque le bois tombe, que l’animal meurt ou que la pomme pourrit. On le refait ici, de manière optimisée, mesurée et accélérée.

La cuve va brasser toutes les deux heures, donc elle mélange bien. Et le ventilateur va ramener de l’oxygène en continu. Le mélange monte en température jusqu'à 70 degrés, ce qui permet d’hygiéniser la matière, et de transformer un déchet possiblement dangereux en une matière propre et peu dangereuse.

Et au bout de dix jours sort du précompost. Tous les jours on alimente le composteur, et tous les jours, ça sort. 

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3e étape : La maturation

Ce précompost, on va le mettre en maturation, dans nos baies de maturation sur place. Pendant deux semaines, on remplit la même baie, puis on va le faire progresser. On malaxe, on rajoute de l’eau, on vérifie que le mélange est dans de bonnes dispositions pour que le compostage se poursuive. Au bout de quatre semaines à l’extérieur, le mélange va commencer à se stabiliser, et va commencer à pouvoir nourrir les micro-organismes et les plantes. On va enlever les gros morceaux de bois qu’on avait mis au début et donc là, on a un compost !

Ce compost, on peut ensuite le mettre dans la terre pour nourrir les micro-organismes et les plantes durablement. À l’inverse d’un engrais, qui est comme une vitamine qui fait pousser la plante d’un coup mais qui derrière, laisserait le sol se dégrader. Le compost, c’est une matière qui vient naturellement et durablement nourrir les sols pour qu’ils puissent nourrir les plantes. 

En tout, le processus s’étale sur six semaines

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Comment sélectionnez-vous les restaurants et épiceries avec lesquels vous travaillez ?

Nous, les Alchimistes, nous proposons un service de collecte et de traitement, donc les professionnels achètent chez nous un service de collecte, d’enlèvement du déchet et de valorisation. Donc il y a différents éléments de motivation pour eux : il y a des seuils réglementaires qui font que certains restaurants sont obligés de valoriser, il y en a qui veulent s’engager pour la planète et qui en ont marre d’incinérer de précieuses ressources, et puis il y en a qui cherchent plutôt de la praticité, qui n’ont pas beaucoup de places pour stocker du déchet, qui sont contents d’avoir des bacs au bon endroit au bon moment.

Après, on fait aussi de la promotion de notre service. Stratégiquement, on va essayer de travailler au maximum avec des restaurateurs qui à proximité, comme le Britney. Et puis, des restaurants qui ont des quantités qui conviennent à notre proposition, en fonction de notre capacité de collecte. Parce que par exemple, un très grand restaurant avec des bacs de 600 l, aujourd’hui, on ne peut pas encore les collecter.

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Que faites-vous du compost ensuite ?

Une fois qu’on l’a produit, on va le vendre, notamment à des professionnels maraîchers. Et comme on est en ville, c’est bien aussi de pouvoir le vendre localement aux particuliers, à des gens qui ont un potager, qui font du jardinage en ville… C’est ça aussi qui est intéressant en se positionnant en ville : de mettre du compost à disposition en milieu urbain pour favoriser le développement d’initiatives de nature urbaine, de végétalisation, etc.

On l’a donc vendu une première fois sur un événement associatif en septembre. On est en train de travailler avec des commerces de proximité qui pourront vendre en vrac ou en sachets, comme la Biocoop.

Depuis combien de temps existent les Alchimistes Hauts-de-France ?

On a démarré ici fin mai, après le confinement. Ça fait à peu près quatre mois que les Alchimistes Hauts-de-France existent. On a collecté depuis 14 tonnes de biodéchets. Il faut diviser par cinq pour savoir à peu près la quantité de compost qu’on peut produire avec ça. Donc environ trois tonnes.

On a déjà plusieurs sacs de compost et on va pouvoir commencer à le commercialiser ce mois-ci.

Pourquoi à Lille, il n’y a pas de collecte collective des déchets organiques ?

C’est la MEL (Métropole Européenne de Lille) qui gère l’organisation de la collecte collective des particuliers. Et en fait, il y a toute une zone urbaine dense qui inclut LilleRoubaix, Tourcoing et d’autres grosses villes, où on va avoir une collecte bi flux. Donc on va juste y trier du flux sec : bouteilles en verre, bouteilles plastiques et carton ensemble, et tout le reste à côté. Dans la MEL, il y a différentes zones : des zones tri flux, des zones quadri flux, etc.

À Lille, le principal problème, c’est l’accessibilité et la logistique, car quand on est en ville, on a souvent moins de place. Les gens ne peuvent pas stocker de déchets, il faut avoir de la place dans les locaux poubelles pour mettre un autre bac, … Et puis ça demande aussi des installations et des contrats de collecte avec des opérateurs. Des opérateurs qui d’ailleurs n’ont pas forcément les facultés pour collecter en ville, car ils ont des gros camions, car ils passent moins souvent, etc. Quand on creuse un peu le sujet, on se rend vite compte que c’est complexe.

La MEL a quand même créé un équipement assez gros à Sequedin en 2007, le Centre de Valorisation Organique, qui peut traiter 100 000 tonnes de déchets par an. C’est la moitié de ce que nous produisons en déchets organiques sur la MEL. Donc, l’autre moitié est perdue et incinérée.

Après, comme je vous disais, il y a des communes, dans des zones moins denses, où les habitants ont un bac vert pour les déchets organiques. Mais ils sont très nombreux à ne pas mettre leurs déchets alimentaires dans ce bac vert, parce qu’ils ne savent pas ou encore parce qu’ils n’en ont pas l’envie. Donc aujourd’hui, il faut aussi générer de l’adhésion. Ce n’est pas tout de mettre un bac vert, il faut que les gens trient et mettent dans le bon bac. 

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C’est justement un autre volet de votre activité chez les Alchimistes, la sensibilisation ?

Oui, notre proposition est de faire quelque chose de très visible, de très proche des gens, en plein centre de la ville, de manière que les gens puissent venir sur notre site et voir ce que nous faisons. Mais aussi pour qu’on puisse créer des bornes en ville, pour créer du lien et pour que les gens aient envie de faire le tri. On fait aussi de la sensibilisation.

On espère dupliquer notre modèle micro-industriel et créer cinq unités, plus grandes que celle-ci, qui est un démonstrateur. Ici, on traite 30 tonnes par an de biodéchets et nous voulons créer des unités qui en traitent 730. Ça reste 1 000 fois plus petit que des plateformes de compostage, comme celle de Sequedin. Ça restera des petites installations.

Le but, c’est de garder des sites très accessibles. Ça facilitera l’adhésion.